Yellow is the new blue !

On l’avait quittée au soir du second tour de l’élection présidentielle, pantelante, chancelante, les neurones atomisés aux quatre coins de sa ligne politique, sa rhétorique éparpillée par petits bouts façon puzzle.

Pourtant elle était pas venue pour beurrer les sandwiches la grande. Elle allait nous montrer qui c’était Raoul ! Du bout de son petit bras dodu, la main droite agitée de convulsions sournoises, elle nous promettait le spectre de l’apocalypse. Une vague bleue marine immense. Un raz de marée patriotique. Bref, une ordonnance et une sévère ! C’était la fin d’un règne, le début du sien. Elle venait là pour nous prévenir : « Moi, quand on m’en fait trop, je correctionne plus, je dynamite. J’disperse. J’ventile. »…

Quelques jours plus tard, la France passait aux urnes et c’est elle qui ventilait. Une explosion en plein vol. Un boom entendu dans tout le pays. Comme un gros bourre-pif à la Lino Ventura, ce teigneux fils d’immigrés qui lui aurait tapoté ses origines bien au fond de la gorge.

La Marine était à terre. Par KO électoral. Elle entendait les anges, la gugusse de Montretout. Renvoyée à la maison mère. La France lui disait « niet » et le lui prouvait. Pan. Une bonne gauche, une bonne droite et dans les cordes. Finie, vaincue, retour aux vestiaires et jetée aux oubliettes d’où elle ne reviendrait plus.

Sauf que ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça… Soignés les bobos, la voilà qui revient, plus altière que jamais, la mémoire en mode reset, effacés les aléas, les déconfitures et le rejet. Chassez la Le Pen, elle revient au grand galop.

Relevée d’entre les scores, telle une Jeanne sous extasy convaincue qu’elle seule boutera les macronais hors de France, la Marine ressuscitée s’impose l’air de rien, reprenant position sans faire de vague.

La Marine est de retour ! Et pas à n’importe quelle place, mais dans le rôle tant convoité de la meilleure opposante !

Et ça, c’est fort ! Elle revient en tête sans rien faire. Sans rien dire. L’air de pas y toucher, presque à l’insu de son plein gré. Arborant la mine empruntée du curé sortant de confesse, elle te balaye tout le monde d’un clic. Elle détrône les Mélenchon, aspire les Wauquiez, isole les Faure et les Hamon. Et plus fort que tout, sans avoir eu à porter le moindre coup.

Faut dire qu’elle préfère que ce soit les autres qui les prennent, les coups. Allez, brave petit soldat, revêt ta frêle armure jaune et trace lui la route. Prends-toi les gnons, gèle-toi sur les ronds-points, pétarade à Paris, casse du bourgeois à Bourges… Partout où on te réclamera, va brave petit soldat, va... Déchire tous les facebook, applaudis aux thèses complotiste, insulte, attaque, fais-toi mettre en garde à vue, remue la merde brune… Mais sache une chose. C’est elle qui récoltera la gloire, pas toi.

« On arrive » qu’elle dit la patronne, bien campée sur son pupitre affichant ses nouvelles couleurs « Le pouvoir au peuple ». Mais ne te trompe pas, brave petit fantassin, c’est pas le jaune qui va rester, c’est bien le bleu marine qui va faire tâche d’huile.

« Y va avoir un réveil pénible le Macron… J’ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter qu’le sang coule… Mais maintenant c’est fini… je vais le travailler en férocité… le faire marcher à coups de latte… A ma pogne je veux le voir… Et je vous promets qu’il demandera pardon !… Et au garde-à-vous ! »

« Le pouvoir au peuple »… Non mon gars. Juste « La Revanche acte 9 ». Parce que quand on peut pas obtenir par les urnes et la démocratie ce que l’on veut, alors il ne reste plus qu’une chose : le chaos. Et toi mon petit poussin qui l’auras bien nourri, tu partiras avec l’eau du bain.

Alors viens pas dire après qu’on t’aura pas prévenu…

PS : Merci à Michel Audiard…