Visite au Mont Saint Michel

Publié le par M.T

IMG 3434Je me promenais récemment au Mont Saint Michel pour lequel je voue, au même titre que la Tour Eiffel, une passion débordante. En fait, j’aime tout ce qui se dresse, tout ce qui est haut, grand et procure soit une forte dimension spirituelle, soit provoque en moi l’admirative contemplation d’une structure mécanique, donc humaine, mais complexe, érigée et tendue vers le ciel, et principalement destinée à tout, sauf à être utile. Oh, je vous entends d’ici vous dire que monsieur Freud aurait adoré se plonger sur mon cas mais je l’aurais vite rassuré : point chez moi de tendance obsessionnelle commémorative ou de manque au phallus, mon sens de l’orientation sexuelle me portant depuis longtemps vers les douceurs abyssales si merveilleusement peintes par Courbet ! Je précise pour les plus jeunes que je ne parle pas de Julien, mais de Gustave et qu’ils n’ont qu’à aller faire un tour sur Wiki si ce prénom ne leur dit rien.

 

Donc, disais-je, j’ai une passion pour le Mont Saint Michel mais n’y était jamais venue. Et oui, comme souvent, on s’attache ainsi, au regard de photos à des endroits qu’on aimerait découvrir sur le champs, dont on se promet la visite prochaine et qui reste au fond de nos tiroirs, une plaquette alléchante mais jamais visitée. En fait, je brode un peu. J’y étais allée une fois auparavant, dans une autre vie, mais n’en avait gardé qu’un souvenir maladroit tant à ce moment là, d’obscures réflexions jonchaient ma tête et que j’y laissais donc peu de place à la nécessaire vacuité que réclame le vent de la découverte. Mais là, je sentais bien que sonnait l’heure d’y retourner afin, enfin, de ressentir et m’imprégner de toute la dimension émotionnelle du sujet.

 

«  Le Couesnon, en sa folie, mis le Mont en Normandie ».

 

Il faut d’abord savoir cela. Le Mont Saint Michel, pour avoir le cul dans l’eau, se trouve assis entre deux chaises. Normand ou breton ? Chacune de ces deux régions se le tiraille depuis toujours cherchant vraisemblablement, dans un premier temps, à en retirer une richesse toute spirituelle, puis, les années, siècles passant, la richesse tout court. Parce que le Mont, c’est d’abord aujourd’hui un magnifique Disneyland !

 

Pour cause de désensablement de la baie et dans le but de redonner ainsi à ce bout du Monde, sa posture auguste d’îlot rocheux, d’énormes travaux ont été entrepris. On pourrait penser très naturellement que l’effort serait d’abord porté sur la route qui y mène, cause de l’outrage, mais que nenni. Les efforts se sont d’abord concentrés sur l’installation d’un énorme parking, jusque là, rien à redire, si ce n’est qu’il a été placé à 50 minutes de marche du pied du Mont et qu’après, pour parler marches, il vous en coûte encore d’en gravir 350 pour arriver enfin au sein du Saint ! C’est peu dire qu'on sollicite vos pieds avant d'arriver à ceux de l’archange.

 

Mais ce n’est pas tout. Un touriste heureux est un touriste qui visite, mais c’est d’abord une vache à lait. D’innombrables et outrageantes boutiques ont été ainsi disposées sur son parcours afin, tel le démon dans le désert, l’appâter et lui refourguer, entre autres bibelots made in China, des sandwiches qui seraient sans aucun doute refusés par la Centrale d’achats de la SNCF. Aucune chance d’y échapper sauf si vous connaissez déjà les lieux et empruntez, en petits malins connaisseurs, le sentier extérieur. Sinon, vous êtes contraints, dans le doute, à suivre les panneaux vous guidant vers les navettes (gratuites) mais qui vous ramènent invariablement, tel un bétail discipliné, vers les caisses (payantes) des commerçants.

 

Si vous avez de la chance, vous aurez une navette de suite. Mais ne vous attendez pas à ce qu’elle démarre rapidement. Là, sans trop comprendre les méandres d’un planning de départ des plus aléatoires, vous devrez rester entassés, comprenant vite que nul autre touriste ne saurait y prendre place, même le plus petit et menu des japonais. Fidèle à la sacro sainte habitude franco-française, vous pourrez toujours admirer votre chauffeur, dehors, tirant tranquillement sur sa cigarette, voire plusieurs, pendant qu’il se plaint de ses cadences de travail avec le chargé de la circulation qui, du coups, ne circule plus grand chose. Mais enfin le branle de se faire ressentir et fier et heureux d’avoir attendu 20 minutes dans la chaleur moite et étouffante de votre véhicule, le nez coincé sous une aisselle américaine manquant singulièrement de fraîcheur, vous pourrez enfin vous approcher de votre Graal, toisant le menu fretin pédestre qui lui a renoncé à la navette pour se présenter face au Mont, tout auréolé de la ferveur du pèlerin.

 

Ne cherchez pas plus à comprendre pourquoi la navette vous lâche à 200 mètres de l’entrée du Mont, vous donnant singulièrement l’impression d’avoir attendu pour rien, étant déposé aussitôt après avoir été pris en charge, mai savourez alors la vue majestueuse du lieu et le bonheur sans nom d’avoir été délivré des pestilences de l’oncle d’Amérique.

 

Là, deux solutions s’offrent à vous. Soit monter vers l’abbaye en empruntant la rue intérieure, ce qui vous bouchera la vue sur la splendeur des lieux mais vous permettra d’acheter les cartes postales que vous vous devez d’envoyer à votre grand-mère, soit vous empruntez le passage des remparts. Je vous conseille ce chemin là.

 

IMG_3402.jpgTout de suite, il n’y a quasiment plus personne, le touriste ayant, par nature, terriblement peur du vide. Quant à vous, vous recevrez de plein fouet les effluves maritimes de la baie dont l’immensité vertigineuse s’offrira à vous. Emplissez-vous alors du cadre extraordinaire de cette baie que je classerais volontiers parmi les 7 Merveilles du Monde. Suivez-là, contemplez-là et pendant que vous déambulerez sur le chemin escarpé, balloté par le vent, ému par cette nature de sable et d’eau mêlés, où la mer est capable, comme rarement ailleurs, de s’estomper jusqu’à son horizon le plus profond, vous découvrirez alors, au-dessus de vous, toute la grandeur et la folie de l’homme qui d’un simple piton rocher voulut rendre gloire à Dieu.

 

Essoufflé par votre marche, votre montée mais aussi suffoqué de beauté, il sera alors temps de quitter la terre et la mer pour pénétrer au Paradis. Il vous en coûtera 9 euros. Avec les 8,50 du parking et les 12 euros du sandwich/soda que même pas votre petit neveu en voudrait, cela commence à faire une somme, comme on dit chez moué. Mais tout à un prix et celui d’aller flirter avec le ciel, je vous le promets, vaut bien celui d’un ticket d’entrée.

 

On ne peut pas décrire l’abbaye, sa force, sa puissance, son élégance, ce cloître au petit jardin-écrin, éden assis sur sa Merveille, ses salles monumentales, ses dédales… mais il faut les traverser le cœur ouvert au passé, prêt à entendre de lointaines litanies, à surprendre le froissement brute des bures épaisses, cligner des yeux pour apercevoir au fond d’un coin plutôt obscur, l’âme d’un pénitent à jamais captive. Il y a du Nom de la Rose dans tout cela, de la repentance, du mystère, du détachement aux biens terrestres mais aussi de l’orgueil démesuré à penser ainsi qu’en côtoyant les nuages, accumulant pierre sur pierre, on pourrait alors tutoyer le céleste.

 

Prenez votre temps. Absorbez-vous de cette atmosphère unique. Contemplez en silence, cela est si rare. Je vous l’accorde, pour se faire, il vous faudra jongler entre les visites guidées des différents groupes de touristes exténués par leur montée et qui viendront s’avachir invariablement près de là où vous avez fait votre retraite pendant que leur guide, absolument pas au courant qu’il n’est pas le seul dans les lieux, leur débitera avec force grands gestes, en plusieurs langues mais avec le même accent, un laïus préenregistré qu’ils écouteront d’une oreille distraite. Non, vraiment, ici, nul besoin qu’on vous donne un historique, tout est dans le ressenti, le recueillement, l’imprégnation.

 

Dehors, vous retrouverez le soleil vif, l’air saturé d’iode, un vent rieur. Vous commencerez alors votre descente encore baigné de solennité et de divins bonheurs. Surtout, vous pourrez alors vous ceindre de cette allure dédaigneuse de celui qui a déjà accompli son destin et regarde, avec condescendance, le bas peuple soufflant et éructant qui se demande vraiment s’il y a encore beaucoup de marches comme ça à gravir.

 

Vous pourrez emprunter la rue intérieure où votre regard s’accrochera très vite sur de curieux souvenirs comme une plaque minéralogique MINEAPOLIS, des assiettes au décor religieux peintes avec des pieds, des affiches du Chat Noir et autres universalités versaillaises ou, pour y revenir, de curieuses affiches représentant la Tour Eiffel sur fond de Mont.

 

C’est à l’arrivée de ces premières boutiques, enfin, les dernières quand on monte que j’ai entendu cette remarque exquise que je vous délivre en guise d’anecdote, alors que je croisais deux braves dames qui arrivaient vers moi et dont l’une, levant le nez, dit à l’autre : « C’est là où on fait demi-tour, après, y’a plus rien »…

 

Et oui, le spirituel n’est pas donné à tout le monde.

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L
Habiter sur le mont!! Je crois qu'y séjourner une dizaine de jours me plairait beaucoup, mais les énergies sont tellement fortes que je ne pourrais sans doute pas rester plus longtemps!!<br /> Savez-vous par exemple, qu'à l'ancienne abbaye de Landevennec (vers Crozon dans le Finistere... Oui! Je souligne: côté Breton du Mont St Michel!!), les moines avaient du déménager leur dortoirs car<br /> là où ils l'avaient construit, les vieillards vieillissaient mais ne pouvaient mourir...<br /> Le mont St Michel au mois de novembre est toujours plein de surprises: en plus des couchers de soleils d'automnes toujours spectaculaires, on rencontre du soleil ou de la pluie, j'ai même eu de la<br /> neige une fois! Mais ma visite la plus magique, fut la dernière quand 4 personnes ont entonné un Gloria dans la chair du réfectoire, il n'y avait personne d'autre à ce moment là de la visite et<br /> j'avais vraiment eu un grand frisson de grâce!!!
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L
Quelle merveille ce mont St Michel, j'y retourne mi-novembre également. Et si je peux me permettre, il y a un très bon bouquin pour prolonger la magie du lieu: "la promesse de l'ange", un roman qui<br /> raconte une belle histoire sur la construction du mont en parallèle avec son histoire d'aujourd'hui, le tout dans une ambiance mystérieuse qui donne envie d'y retourner!!
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M
<br /> <br /> Avec un pseudo comme le vôtre, mais c'est au Mont que vous devriez habiter !!!  Merci pour la référence du bouquin. Avec un tel titre, je n'y résisterai pas !!! Quant à y aller en novembre,<br /> je pense que c'est une période extraordinaire pour une ballade dans ces lieux. J'imagine la pluie, le vent, les bourrasques et, tout là-haut, passer du parvis tumultueux au calme incomparable du<br /> cloître. J'en frissonne déjà ! Merci petit Elfe....<br /> <br /> <br /> <br />
A
Je ne regrette vraiment plus d'avoir boudé entre les deux banquettes de la deux chevaux familiale quand mes parents se sont exclamés : le mont st michel...!! (j'ai pleuré quand même mais après...)
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M
<br /> <br /> Vous aussi étiez assise entre deux chaises ? Et j'imagine très bien cette arrivée, vous, menton baissé, lèvres pincées, regard boudeur, bras refermés, et puis, soudain, un sourcil redressé er le<br /> choc ! On ne découvre pas le Mont sans en ressentir dans toute sa hauteur (ses hauteurs devrais-je dire)  les vibrations qui en émanent. Il y a du thélurique et du mystique dans ce lieu !<br /> <br /> <br /> <br />